L’abbé Pierre intime

Date de parution : 13/04/2023

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Avant de mourir, l’abbé Pierre a confié ses carnets intimes à son ami le plus proche, Pierre Lunel, en lui exprimant son souhait de n’en publier le contenu qu’après sa mort.
L’abbé Pierre y dévoile sans tabous, en toute sincérité, ses colères, son refus de la hiérarchie de l’Église, son besoin de la « tendresse féminine ».
Son enfance aussi, ses passions d’adolescent, sa dépression au monastère alors qu’il vient de prendre l’habit de capucin, ses lieux favoris, sa relation aux êtres et aux choses, les ressources de son combat sans peur contre toutes les oppressions.
Pour la première fois, ce témoignage unique et inédit révèle l’homme derrière la légende.

Voici les premières lignes de L’abbé Pierre intime:

“Un jour, il a levé son regard vers moi. Ma demande était banale, une de ces phrases de politesse qui n’ont l’air de rien. Il m’a répondu avec des mots gentils mais qui n’engagent à rien. Tout aurait dû en rester là, et cependant, en cet instant, commence une nouvelle vie pour moi. «Mon Père, puis-je vous rendre visite à SaintWandrille ? », l’abbaye bénédictine où il vit, en Normandie. Cela m’est venu presque machinalement, sans accorder à ces mots un poids particulier. Il lève son regard : «Viens quand tu voudras!»

Cela, il l’a dit sans doute des centaines de fois à des centaines de gens. Qu’est-ce qui fait que je le prends en plein cœur ? Je me sens redevenir adolescent d’un coup, du temps où ma joie était pure et mon enthousiasme intact. Je me sens autre, réorienté. Un peu comme ces gens qui prennent une direction, qui errent, et auxquels un bonhomme inconnu vient dire : «C’est par là…»
Réorienté, c’est bien moins que «converti», mais ça y ressemble ! L’instant d’avant, la joie était évanescente. L’instant d’après, elle s’enracine dans un je-ne-sais-quoi de certitude heureuse.

J’ai quarante ans et je renoue avec mon âme d’enfant, celle qui se trouvait enfouie sous le fatras de mon grenier à rêves. Je ne dis pas que je viens de rencontrer Jésus ou Dieu. Je ne suis pas Paul qui tombe de cheval sur le chemin de Tarse. Je ne suis pas Claudel « saisi» par la foi devant la statue de Marie. Je ne suis qu’un «pauvre type» qui rencontre un autre homme, un de ceux qu’on appelle un « saint». D’un coup, je reçois une
injection d’humilité. Cela fait tout drôle, car je ne savais pas ce que c’était, un saint. Ce n’est pas Dieu, même si cela s’en approche. C’est quelqu’un qui vous donne un avant-goût de Dieu. Pourquoi est-ce arrivé ? Je n’en sais rien. Une grâce ? C’est brutal, délicieux et envoûtant. Il m’a suffi d’un «instant», improbable et soudain, d’un éclair : le regard d’un vieux prêtre, petit de taille, émacié de traits, portant saharienne et béret. Je ne deviens pas aussitôt quelqu’un de bien, mais je sais que le bien existe sur terre. Cette joie, c’est un presque rien d’éternité.”

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